Vendredi fou: question de survie pour les détaillants d’ici

Vendredi fou: question de survie pour les détaillants d’ici

Ce n’est pas encore la folie qu’on imagine. Et contrairement à ce que l’on a déjà observé aux États-Unis, aucune mort d’homme n’est envisagée.

 

N’empêche, après des années de douce résistance au Québec, la fièvre du Vendredi fou et du Cyber-lundi gagne clairement du terrain, si l’on en croit l’observation de différents spécialistes du commerce de détail consultés par Les Affaires.

«Les détaillants n’ont pas le choix; c’est devenu une question de survie»,  soutient Michelle Rivard, présidente et directrice générale de la firme de recherche montréalaise, L’Observateur.

«Ils ont fini par comprendre, dit-elle, que s’ils ne suivaient pas la parade, s’ils ne prenaient pas les moyens pour faire démarrer la période de magasinage de Noël plus tôt, leurs clients iraient profiter des aubaines offertes aux États-Unis pendant le Black Friday américain.»

Une concurrence difficile à ignorer, compte tenu que le magasinage en ligne est maintenant couramment utilisé au Québec. Selon le Conseil québécois du commerce de détail (CQCD), pas moins de 47% des clients prévoyant faire des achats au cours de la fin de semaine dépenseront une portion de leur budget sur internet. Et du nombre, le tiers prévoient y faire la totalité 100% de leurs achats.

 

Pour 946 millions d’achats

Il ne faut donc se surprendre, soutient le pdg du CQCD, Léopold Turgeon, que le Vendredi fou et le Cyber-lundi soient de plus en plus soulignés, et que cette période tend à s’étirer dans la durée, en débutant et se terminant souvent plusieurs jours avant ou après le weekend en question.

Par exemple, Roots Canada a offert des rabais de 30% toute la semaine durant. Nespresso n’a pas non plus hésité à devancer la période de rabais. Dès la mi-octobre, escamotant la période normalement réservée aux ventes d’halloween, des concessionnaires automobiles ont aussi lancé des promotions Black Friday, soutient Mme Rivard, saluant au passage «leur créativité».

Malgré son engouement croissant, le Conseil canadien du commerce de détail n’a pas publié de prévisions cette année. Pour sa part, le CQCD estime à 946M$ les sommes qui seront dépensées au Québec pendant cette période de quatre jours.

Il estime que 42% des consommateurs, soit 2,8M de Québécois, profiteront du weekend. 67% y iront avec l’intention d’acheter des cadeaux, mais le tiers en profiteront aussi pour s’offrir des articles à rabais, comme des meubles ou téléviseurs, sans aucune intention de les offrir en cadeau.

D’ailleurs, un sondage mené par L’Observateur, révèle que 46% ont l’intention d’acheter des ordinateurs ou articles électroniques, et 40% prévoient plutôt acheter des vêtements ou accessoires de mode.

Selon Michelle Rivard, les Québécois dépenseront 342$ en moyenne pendant cette longue fin de semaine de magasinage. Et 20% des 2,8 M de consommateurs attendus prévoient dépenser plus de 500$, une hausse par rapport aux 8% de 2016.

Il s’agit d’une augmentation sur les dernières années. En 2016, les dépenses moyennes de consommateurs s’élevaient à 250$ pour des dépenses totales s’élevant à 595M$ pour les quelque 35% de consommateurs (2,3M$), ayant affiché leur intention de prendre part aux activités de cette période.

 

La tête froide chez les consommateurs

Malgré cette avalanche de chiffres à faire sourire le moindre détaillant, le pdg du CQCD, Léopold Turgeon, garde la tête froide, estimant que Vendredi fou ou non, le budget d’achat total des consommateurs pour la période des Fêtes dans son ensemble augmente peu d’année en année.

Selon une étude menée par le Groupe Altus, les Québécois prévoient dépenser 2,4G$ cette année pendant la période des Fêtes, incluant celle du Vendredi fou. C’est seulement 5% de plus que les 2,29G$ dépensés l’an dernier.

Est-ce tout de même l’occasion pour les détaillants d’enregistrer de grands volumes de vente? À peine, soutient sans rire le numéro un de l’industrie du détail au Québec.

Les coups de tête de consommateurs seraient rarissimes. Étude en mains, ce dernier soutient que «plus de 70% des consommateurs recherchent surtout des produits dont ils avaient déjà planifié l’achat» et «76% y vont surtout pour profiter des aubaines disponibles pour cette occasion.»

«Les consommateurs prennent leurs précautions. Et recherchent les aubaines. Ils ne sont pas pauvres, dit-il, mais disons qu’ils sont avertis.»  Comme quoi, peut-on en conclure, si le Vendredi fou est effectivement plus populaire qu’il ne l’était par le passé, les consommateurs n’en sont pas encore aussi atteint que l’on pourrait s’imaginer.

Par M. Martin Jolicoeur