11 Nov Investir en philanthropie
Une redéfinition de la philanthropie.
La philanthropie occidentale est soumise depuis la dernière décennie à une véritable cure de transformation prescrite par un environnement et des conditions d’affaires en constante muabilité. Désengagement graduel de l’état, courbe démographique vieillissante, dénatalité, immigration massive, maladies rares et orphelines, crises environnementales, défis éducationnels et pauvreté croissante, influencent notamment ce domaine en changement. Cela explique entre autre la recrudescence des besoins et des exigences des organismes à but non-lucratif (OBNL).
Ainsi, la compétition pour produire des revenus grandit pendant que les entreprises, fondations et individus sont désormais sollicités à outrance dans un contexte économique austère. La quantité d’OBNL augmente localement, la mondialisation nous donne accès à l’ensemble des missions internationales et les activités de financement se rependent exponentiellement – Parrainer un enfant d’Afrique de Vision Mondiale, devenir Grand frère/Grande sœur du Québec pour un enfant montréalais, protéger les Orang-Outans de Bornéo ou reboiser le Brésil ? Devrais-je participer au Défi Pierre Lavoie, au Marathon de Montréal ou à la marche Relais pour la vie? Est-ce que cela tombe en même temps que la «Course des Spartiates» ?
Par ailleurs, cette nouvelle équation se traduit fatidiquement par la nécessité imminente de s’améliorer. Les OBNL deviendront plus efficaces pour augmenter leurs revenus en développant de meilleurs stratégies et méthodes de gestion des opérations. Ceux qui malheureusement ne seront pas en mesure de s’ajuster seront appelés à disparaître.
Notons qu’il est difficile d’étudier et d’évaluer tangiblement l’ensemble des variables qui influencent l’efficacité d’une organisation, d’un programme ou d’un mandat dans un contexte social donné. La quête de réponses quantifiées invite trop souvent les mécanismes de contrôle des organismes, les partenaires et les donateurs à se fier étroitement aux chiffres et à attribuer aux indicateurs financiers une crédibilité indue. Puisque l’on utilise fréquemment les frais généraux et les ratios de coûts d’investissements en collecte de fonds pour mesurer l’efficacité d’un programme ou d’une campagne, on limite son analyse globale en négligeant par exemple son développement à long terme. Une philosophie économique distincte suggère cependant que de dépenser trop peu en philanthropie est foncièrement contre-productif.
Parce que mieux performer implique souvent d’investir, il est possible que les frais d’administration aient à augmenter…
À court et moyen terme, le retour sur investissements affecte le ratio administration/campagne philanthropique. Les OBNL sont donc incessamment questionnés sur la proportion des dons qui vont pour l’administration de la cause. Bien que la question soit plus que légitime, celle-ci écarte habituellement l’adhésion à une vision à long terme de l’organisme et de son programme. Une conséquence de ce mode de gestion serré est de placer l’OBNL sur la défensive. Il investit alors beaucoup de temps et d’efforts en justification quant à la nécessité de prévoir les bénéfices ultérieurs des prochaines années et quant au coût dramatique qu’engendrerait le non-investissement. Il est fréquent mais risqué de confondre le besoin et le droit de savoir si le don sera utilisé correctement et rentablement avec la croyance trop répandu que tout frais administratif est mauvais. Le progrès et les innovations postmodernes en marketing social invitent graduellement au changement de paradigmes plus conservateurs et prudents en prônant la valorisation des frais et des dépenses stratégiques et efficientes.
Évidemment, aucun OBNL n’est en mesure de fonctionner correctement sans engager des frais d’administration fondamentaux.
Pour subsister et promouvoir sa mission, les frais d’une organisation sont toutes les dépenses nécessaires pour assurer une bonne gestion, incluant les processus financiers, les assurances, les technologies de l’information, le recrutement des employés et des bénévoles, la gouvernance et les communications avec les donateurs.
Les dépenses courantes essentielles comme le loyer, l’électricité, le matériel informatique, les logiciels, les salaires et les déplacements, impactent aussi les causes et leur programme. En outre, les frais liées à la transparence et à la responsabilité financière, les frais de production des rapports annuels, des états financiers et vérifications, des évaluations de programmes et les sommes dépensées pour se conformer aux lois applicables requièrent un investissement véritable. N’oublions pas les dépenses engagées pour offrir un environnement sécuritaire aux participants et aux bénéficiaires, notamment ceux associés au filtrage des employés et des bénévoles qui sont engagés dans les services directs.
Inversement à l’idée répandue que de dépenser moins soit un signe de succès, les organismes sans but lucratif qui dépensent trop peu pour leur infrastructure rencontrent tôt ou tard des obstacles qui limiteront leur rayonnement à contrario de ceux qui dépensent plus sagement.