Portrait du domaine des produits biologiques ultérieurs (extractibles forestiers) au Québec

Portrait du domaine des produits biologiques ultérieurs (extractibles forestiers) au Québec

QU’EST-CE QUE C’EST?

Les produits biologiques ultérieurs, communément appelés des extractibles forestiers, sont des molécules bio-actives extraites de déchets forestiers qui permettent de fabriquer de nouveaux produits aux propriétés profitables pour une panoplie de secteurs dans des domaines diversifiés.

On les utilise de plus en plus dans la confection de produits industriels très variés : molécules de saveur, lubrifiants, émulsifiants, peintures, vernis, laques, colles, cires, poudres antidérapantes, ciments dentaires, etc. Leur avenir glorieux se situe toutefois dans les domaines nutraceutique, cosméceutique de l’industrie pharmaceutique.

UNE FENÊTRE D’OPPORTUNITÉ

Les arbres et de nombreuses plantes ont développé une impressionnante capacité de résistance et d’immunité. Ils synthétisent des centaines de milliers de molécules pour se défendre contre les agressions des champignons, des insectes, des virus, de la lumière et de la chaleur.

Ces molécules peuvent être très utiles dans la fabrication de produits efficaces et bénéfiques pour la société.

Durant la dernière décennie, la recherche sur les extractibles forestiers s’est fortement développée de sorte que les connaissances concernant les essences d’arbres, les molécules produites et leurs propriétés permettent maintenant de regarder avec intérêt les potentiels offerts par les extractibles.

Ces derniers représentent une opportunité majeure de valoriser notre ressource forestière, de créer de nouveaux emplois et de diversifier nos économies locales et régionales tout en réduisant l’impact industriel sur l’environnement.

Une filière d’intérêt pour le Québec. Surtout pour un Québec vert et proactif économiquement.

SES COMPOSANTES

La biomasse est constituée majoritairement de résidus de récoltes (branches, essences non commerciales, arbres secs et non sains, tiges de petit diamètre, écorces, bougons et autres pièces rejetées, plantes multiples, etc.), de rémanents, d’éclaircies hâtives et de peuplements affectés par le feu ou les insectes.

LE PROCESSUS DE LA FABRICATION ET DE LA COMMERCIALISATION D’EXTRACTIBLES FORESTIERS

  • Recherche scientifique : acquérir les connaissances scientifiques pour la caractérisation de la biomasse, selon les exigences d’utilisation ;
  • Échelle laboratoire : définir des idées techniques débouchant sur un marché; donc analyse de la composition chimique et de la bio-activité des extraits, revue des méthodes de séparation, d’extraction, de purification et de toxicologie ;
  • Échelle pilote : déterminer les paramètres du procédé et la technologie d’extraction, estimer les volumes de solvants requis, calculer les bilans massiques et énergétiques, évaluer les coûts d’installation et les besoins en main d’œuvre, assurer la qualité et la fiabilité de l’extrait et respecter la réglementation en vigueur sur les marchés ciblés ;
  • Échelle industrielle : mettre au point des technologies de séparation, broyage, extraction, filtration, purification et séchage; malgré l’obtention d’un extractible prometteur, d’un procédé d’extraction efficace et écologique et d’une étude de marché attrayante, les risques industriels demeurent présents ;
  • Réglementation : demander une licence de mise en marché qui peut être coûteuse (selon les usages anticipés); cette demande exige des rapports présentant les preuves d’efficacité, d’innocuité et de qualité des extractibles forestiers ;
  • Financement : approcher divers organismes de financement, une étape cruciale ;
  • Commercialisation : fabriquer et distribuer des produits conditionnés sous forme d’extraits bruts ou en fonction de la fraction bio-active d’intérêt, selon le segment d’application visé.

SA VALEUR MÉDICALE

L’intérêt qu’on porte à cette industrie vient de son caractère renouvelable de type chimie verte. Les extractibles forestiers peuvent en effet servir de substituts aux matières d’origine fossile. Issus de la forêt, ils offrent aussi des possibilités de diversification économique à une industrie à la recherche de nouveaux marchés. On retrouve les extractibles dans plusieurs essences québécoises de bois, notamment le bouleau, le pin, l’épinette, le chêne, le peuplier, l’érable, le sapin baumier et le mélèze. On en recouvre en autre une variété fort intéressante dans la plante de chanvre et de cannabis.

Les deux principales classes d’extractibles sont les terpénoïdes et les polyphénols, deux familles de composés organiques. Les terpénoïdes servent de répulsif face aux insectes, de protection contre la lumière, d’antifongique et d’antibactérien; ils maintiennent la fluidité membranaire et atténuent les dommages causés par les radicaux libres. Ils sont présents dans des produits courants tels que la térébenthine, la colophane et dans les tanins utilisés depuis l’antiquité pour le tannage des peaux et, plus récemment, pour protéger la coque des bateaux. On les emploie aussi comme produits anticorrosifs, mousses solides, liants et adhésifs.

Les polyphénols sont localisés dans les tissus fortement lignifiés des arbres et leur procurent un support, une barrière mécanique, une défense contre les UV et une protection antifongique, antibactérienne et antivirale. Chez l’humain, ils contribuent à la prévention de plusieurs maladies comme le cancer ainsi que les troubles inflammatoires, cardiovasculaires et neurodégénératifs. Leur effet bénéfique permet le signalement de l’induction de gènes impliqués dans la défense de l’organisme contre certaines maladies. Ils présentent aussi des effets prébiotiques sur la flore microbienne de l’intestin. On les retrouve dans le vin rouge, le sirop d’érable et d’autres produits courants tels l’aspirine, la rutine et l’extrait de ginkgo biloba. Leur efficacité varie selon l’espèce forestière, la partie et l’âge du végétal de provenance, le site géographique et la saison, leur composition chimique et la génétique individuelle.

SA VALEUR ÉCONOMIQUE POUR LE QUÉBEC

Les extractibles forestiers représentent une opportunité majeure de valoriser la ressource forestière du Québec, de créer de nouveaux emplois et de diversifier les économies locales et régionales tout en réduisant l’impact industriel sur l’environnement.

L’émergence d’une nouvelle filière d’extractibles forestiers au Québec se situe dans le contexte difficile vécu par un secteur industriel très important pour notre économie. L’industrie du bois génère plus de 75 000 emplois alors qu’une municipalité sur trois dépend fortement de la fabrication de produits forestiers. Cependant, la crise qu’éprouve depuis plusieurs années cette industrie a fait décliner la foresterie québécoise.

Les possibilités forestières annuelles sont de 31 millions de m3 en forêt publique et de 12 millions de m3 en forêt privée. Ces potentiels ont diminué de 25 % entre 2000 et 2008 et la récolte s’est contractée de moitié entre 2006 et 2009. L’industrie de première transformation, qui utilise 80 % du bois, a vu sa consommation réduite de moitié tandis que l’industrie des pâtes et papier, qui utilise 12 % du bois, a diminué sa consommation de bois à pâte de 30 % entre 2004 et 2009, fonctionnant à environ 70 % de sa capacité.

La dureté de cette crise pousse à innover et à chercher des débouchés additionnels pour la matière naturelle forestière. L’extraction des substances forestières s’avère une avenue intéressante pour la diversification des revenus des compagnies liées à la foresterie. De plus, outre la biomasse forestière sur pied, des résidus de la transformation du bois peuvent être employés et il est possible d’extraire ces substances actives avant d’utiliser le reste de la matière ligneuse, par exemple pour la combustion, et ce, sans grande perte calorique.

L’intérêt économique pour ces substances vient de leurs propriétés multiples et variées : pouvoirs antioxydant, antibactérien, anti-inflammatoire, antifongique et anticorrosion ou résines, parfums, fragrances, teintures, etc. Grâce à ces propriétés, on peut couvrir un large spectre d’applications : bioproduits industriels (mousses isolantes, adhésifs, vernis, peintures, colorants, etc.), cosmétiques, produits de santé naturels, suppléments alimentaires, produits pharmaceutiques, etc.

L’AVÈNEMENT DES PBU : LE QUÉBEC POSSÈDE PLUSIEURS CARTES DANS SON JEU

Un approvisionnement diversifié en matière première, une main-d’œuvre compétente, un historique et une expertise en recherche, des technologies de transformation opérationnelles et maîtrisées ainsi qu’une énergie peu coûteuse. Plusieurs projets industriels ou coopératifs émergent dans diverses régions du Québec. Ceux-ci peuvent compter sur l’appui de centres de recherche, de centres collégiaux de transfert technologique, de groupes universitaires et de chaires industrielles. L’expertise d’accompagnement est disponible. Malgré ces atouts, les acteurs sont encore regroupés par industries classiques (produits chimiques, matériaux, transport, énergie, produits à valeur ajoutée, etc.) alors que le secteur des bioproduits (donc les extractibles) est interindustriel.

Ces filières verticales fonctionnent de façon différente, chacune avec ses modèles, ses exigences et son vocabulaire. De plus, le Québec ne possède pas une chaîne de valeur intégrée dans le domaine, facteur qui freine beaucoup l’essor de nouveaux projets.

Le principal défi de la filière est son intégration économique et organisationnelle à une industrie encore rigide. Cette intégration exige une coordination de l’ensemble des étapes de production, transformation et distribution, le regroupement de certaines activités pour profiter d’économies d’échelle et un réseautage d’entreprises, si possible synergique.