Comprendre le plaisir qu’on vend.

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Comprendre le plaisir qu’on vend.

Le plaisir fait peut-être tourner le monde, mais c’est aussi l’argument de vente le plus galvaudé et le moins bien compris. Le yogourt Liberté, par exemple, se décrit comme « riche en plaisirs », mais rien dans la communication de ce fabricant n’explique ce que sont ces plaisirs. Une belle idée, qui appliquée plus stratégiquement, aurait pu rapporter davantage.

Pourtant, le réflexe qui a donné naissance à ce marketing est bon. Deux raisons poussent les consommateurs à acheter un bien ou un service : le désir de régler un problème ou celui de se faire plaisir. Pourtant, il ne suffit pas de mentionner le mot « plaisir » dans une pub ou sur un emballage pour que les ventes décollent. Plusieurs choix s’offrent au consommateur dans l’univers du plaisir ; il faut donc bien comprendre et bien communiquer ceux qu’on lui propose.

D’abord, cessons de parler de « plaisir » au singulier. Les études démontrent qu’il en existe quatre types distincts : le plaisir sensoriel que procure la stimulation des sens, le plaisir social qui vient du partage, de la collaboration, etc., le plaisir émotionnel produit par des réactions liées à la musique, au cinéma, etc., et le plaisir intellectuel généré par la découverte et les efforts mentaux. Une marque, une expérience ou une catégorie de produits peuvent donc être associées à un plaisir spécifique ou à plusieurs plaisirs à la fois. Par exemple, on ne va pas seul à La Ronde, car le plaisir d’y aller en famille ou avec des amis est tout aussi important que les sensations fortes que procurent les manèges.

L’entreprise qui comprend le principe des plaisirs peut améliorer l’expérience de ses clients en enrichissant un plaisir existant. Elle peut aussi y ajouter de nouveaux plaisirs jusque-là inexplorés. L’hôtel Germain de Toronto, par exemple, sert le petit-déjeuner sur de grandes tables carrées autour desquelles les échanges sont favorisés, ce qui augmente le plaisir.

Tous les clients n’associent pas nécessairement le même plaisir à un même produit. Il faut donc élaborer une offre qui plaira à chacun des groupes de clients ciblés. Les hôtels W, par exemple, offrent des forfaits sur mesure aux clients branchés, gastronomes, etc. Il faut aussi comprendre le « script » qui entoure les plaisirs, c’est-à-dire le déroulement de ces petits gestes et de ces dispositions mentales qui produisent ou favorisent les plaisirs. On y dénichera plusieurs occasions pour développer de nouveaux plaisirs ou pour mieux les communiquer. Votre café a probablement bien meilleur goût si vous le prenez dans votre tasse préférée – celle que votre fils a décorée lui-même à l’école -, en pyjama, en lisant le journal. Après avoir étudié de tels « scripts », la marque Folgers a découvert que ses clients ne buvaient leur café que le matin et en jugeaient la qualité à l’odeur, et non au goût. L’entreprise a alors élaboré une campagne axée sur l’odeur envoûtante de son café qui réveille toute la maisonnée. Les ventes ont augmenté d’un coup.

Pour communiquer les plaisirs, il vaut parfois mieux utiliser une analogie ou une métaphore. Comment décrire, dans une pub imprimée ou télévisuelle, le plaisir de déguster un fin cognac, celui de se glisser dans des draps à 800 fils au pouce ou celui d’un week-end romantique dans un hôtel boutique ? Hennessy, par exemple, affirme : « Si vous avez déjà été enveloppé dans la soie, vous connaissez déjà le feeling du cognac Hennessy ». Ce genre de description ne fonctionne pas que pour les articles de luxe : le « Vroom vroom vroom » de Mazda renvoie tant à des souvenirs d’enfance heureux qu’à la montée d’adrénaline et au plaisir de conduire. Comme quoi en matière de plaisirs, pour toucher les cordes sensibles du consommateur, une métaphore bien choisie vaut parfois mieux qu’une publicité criarde.

 

 

Par Jordan Lebel

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