INFRASTRUCTURES – QUÉBEC

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Nouveau projet de loi, même objectif

INFRASTRUCTURES ET GRANDS PROJETS. Québec mise sur les chantiers de construction publics pour insuffler un nouvel élan à l’économie provinciale, fortement ébranlée par la pandémie et le confinement. Coup d’oeil sur quelques projets qui pourraient aider à construire la relance.

Après l’échec du projet de loi 61 au printemps, Québec revient à la charge avec un nouveau projet qui doit accélérer la construction d’infrastructures publiques. La priorité est de relancer l’économie, affaiblie par la pandémie.

«Le projet de loi est recentré sur l’accélération de projets d’infrastructures et ne représente qu’une partie de l’ensemble des mesures que nous mettons en place pour relancer l’économie», précise la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, en entrevue avec Les Affaires.

En effet, le projet de loi (PL) 66, déposé le 23 septembre par la présidente du Conseil du trésor abandonne certains irritants responsables de l’échec du PL 61 déposé au printemps dernier. Exit l’article 50, qui accordait au gouvernement le droit de déroger à sa guise à la Loi sur les contrats des organismes publics. Biffée aussi la possibilité de prolonger indéfiniment l’état d’urgence sanitaire, laquelle confère des pouvoirs discrétionnaires importants à l’exécutif.

Enjeu de main-d’oeuvre
La nouvelle loi concernant l’accélération de certains projets d’infrastructure proposée comprend une liste de 181 projets, concentrés dans le domaine de la santé, de l’éducation et de l’hébergement des aînés. Sonia LeBel admet que leur activation simultanée pourrait se buter à la rareté de la main-d’oeuvre. Jean Boulet, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, se penche d’ailleurs présentement sur cet épineux problème avec les acteurs de l’industrie de la construction.

La présidente du Conseil du trésor s’inquiète moins de la possibilité que l’abondance de projets publics crée une surchauffe dans le marché et fasse grimper les prix. Selon l’Association de la construction du Québec, le nombre d’heures travaillées en juin 2020 a baissé de près de 16% dans les projets industriels, de 8% en génie civil et en voirie et de 3,6% dans l’institutionnel et commercial par rapport au même mois en 2019. «Les contrats publics supplémentaires viendront simplement combler une partie de ce manque à gagner», estime la ministre.

Un laboratoire

Le milieu des affaires et l’industrie de la construction ont assez bien reçu le PL 66, qui n’a pas suscité le même genre de levée de boucliers que son prédécesseur. «C’est un projet de loi plus ciblé quant à sa durée, aux chantiers concernés et aux mesures proposées», estime Me Alain Ricard, associé et chef canadien de l’équipe Transport du cabinet Norton Rose Fulbright.

Il rappelle qu’il s’agit d’une stratégie assez classique d’utilisation de projets d’infrastructures publiques pour relancer l’économie. «Le projet de loi comprend toutefois quelques mesures qui pourraient faire école, notamment dans le cas de l’expropriation», note-t-il. Québec reprend l’approche employée dans le cadre de la construction du Réseau express métropolitain, qui élimine le droit de s’opposer à une expropriation. Les gens expropriés en raison de chantiers ne pourront contester que le montant des indemnités qui leur seront offertes.

«Le gouvernement semble aussi avoir procédé à un examen des processus à l’intérieur des instances de l’État, afin de réussir à les alléger tout en conservant un équilibre entre les obligations d’évaluation et de reddition de compte et l’accélération des projets», constate l’avocat.

Verts d’inquiétude
Bertrand Schepper, chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), croit que le gouvernement a réussi à répondre aux critiques que le PL 61 avait suscitées en matière de gouvernance, d’octroi des contrats et de contrôle de leurs coûts. «Les pouvoirs accrus accordés à l’Autorité des marchés publics (AMP) pour surveiller ces contrats publics et leur exécution soulagent en grande partie ces inquiétudes», estime-t-il. L’AMP pourra déclencher une enquête de son propre chef, plutôt que d’attendre une éventuelle plainte.

Le chercheur s’avoue moins rassuré quant aux impacts environnementaux du PL 66. «Le préambule élève la protection de l’environnement au rang de priorité, mais il n’est pas évident que les mesures adoptées, qui favorisent souvent l’accélération des chantiers aux dépens des contrôles environnementaux, soient à la hauteur de cet objectif», déplore-t-il.

Plusieurs groupes écologistes se sont d’ailleurs montrés déçus des allègements prévus dans l’évaluation des projets et de l’absence de critères environnementaux forts dans les appels d’offres. Ils déplorent que les projets à risque environnemental modéré n’aient plus à obtenir une autorisation du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques et que la portée des études d’impact soit réduite pour ceux qui comportent plus de risques. Les promoteurs pourront même amorcer leurs travaux dans certaines zones avant d’avoir reçu une approbation ministérielle.

«Nous ne réduisons pas les exigences environnementales, rétorque pourtant Sonia LeBel. Les promoteurs doivent respecter les mêmes règles qu’avant. Ce qui change, ce sont les processus d’autorisation: ils feront l’objet d’innovations pour les accélérer quand c’est approprié, notamment pour les projets de construction dont les risques vont de faibles à modérés.»


Quelques projets visés par le projet de loi 66

  1. Prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal de la station Saint-Michel à Anjou
  2. Reconstruction du pont Honoré-Mercier entre Montréal et Kahnawake
  3. Réfection et reconstruction du pont Gédéon-Ouimet entre Laval et Boisbriand (autoroute 15)
  4. Construction ou agrandissement de 34 écoles primaires et secondaires et centres de formation
  5. Construction de 47 Maisons des aînés
  6. Construction, reconstruction ou agrandissement de 16 centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD)
  7. Agrandissement du Collège Dawson, à Montréal